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Page:Boccace - Décaméron.djvu/38

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ainsi que les jeunes gens, savaient danser, et que plusieurs d’entre eux savaient sonner excellemment du luth et chanter, la reine ordonna d’apporter les instruments, et, sur son commandement, Dioneo ayant pris un luth et la Fiammetta une viole, tous deux commencèrent doucement à jouer un air de danse. Alors, la reine avec les autres dames et les deux jeunes gens, ayant envoyé les serviteurs prendre leurs repas, formèrent une ronde, et les danses commencèrent. La ronde finie, on se mit à chanter de joyeuses chansons d’amour, et il continuèrent de cette façon jusqu’à ce qu’il parût temps à la reine d’aller dormir. Sur quoi, congé ayant été donné à tous, les trois jeunes gens gagnèrent leurs chambres séparées de celles des dames, et ils les trouvèrent avec des lits bien faits et toutes garnies de fleurs comme le salon. Les dames trouvèrent également les leurs préparées et ornées de semblable façon ; pour quoi, s’étant dépouillés de leurs vêtements, ils se livrèrent tous au repos.

L’heure de none était sonnée depuis peu, lorsque la reine, s’étant levée, fit lever toutes ses autres compagnes ainsi que les jeunes gens, affirmant que trop dormir le jour était nuisible. Puis ils s’en allèrent en un pré où l’herbe était verte et haute et qui était partout abrité du soleil. Là, un doux zéphir s’étant mis à souffler, ils s’assirent tous en rond sur l’herbe, suivant l’ordre de la reine qui leur parla ainsi : « — Comme vous voyez, le soleil est haut et la chaleur est grande, et l’on n’entend d’autre bruit que le cri de la cigale, là haut, parmi les oliviers. Aller en quelque autre lieu serait, pour le moment, certainement une folie. Ici l’endroit est beau, et nous sommes au frais. Il y a, comme vous voyez échiquiers et des échecs, et chacun peut, selon qu’il lui fera plaisir, prendre son amusement. Mais si en cela mon avis est suivi, ce n’est pas en jouant — car au jeu l’esprit d’un des partenaires est mécontent, sans que l’autre partenaire ou ceux qui regardent jouer éprouvent beaucoup de plaisir — mais en racontant des nouvelles, ce qui peut donner du plaisir à tous, que nous passerons cette chaude partie de la journée. Chacun de vous n’aura pas achevé de dire sa petite nouvelle, que le soleil sera sur son déclin et, la chaleur étant tombée, nous pourrons, là où il nous sera le plus agréable, aller prendre divertissement. Pour quoi, si ce que je dis vous plaît — et je suis disposée à suivre à cet égard votre bon plaisir — faisons ainsi. Si cela ne vous plaît pas, que chacun, jusqu’à l’heure de vesprée ; fasse ce qui lui conviendra le mieux. — » Les dames, ainsi que les hommes, approuvèrent la proposition de raconter des nouvelles. « — Or donc — dit la reine — si cela vous plaît, pour cette première journée, j’ordonne que chacun soit