Aller au contenu

Page:Bois - Le Satanisme et la magie.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
L’ENVOUTEMENT D’AMOUR

pli d’amour. Tout y est rythme, incantation et « charme » dans le sens absolu du terme, chef-d’œuvre[1]. J’avoue que l’amante rappelant avec de telles caresses de syllabes et de gestes l’amant, c’est humain comme un soupir de détresse, comme l’amplexion vide jetée dans le vent chaud.


« Je vis sa barbe dorée et sa taille robuste, chante-t-elle, ma beauté fut blessée, je ne sais comment je pus revenir à la maison et je suis restée couchée dévorant mon angoisse. »

Et elle a la tentation de la vieille enchanteresse, tout de suite ; mais l’enchanteresse lui prend son or et ne lui apporte pas son amant. Il faut qu’elle aille le chercher elle-même, qu’elle gagne cet homme, d’abord par la naturelle magie de son désir. La plainte reprend, comme mouillée cette fois par la rosée d’amour :

« Quand il franchit mon seuil, la sueur tombe de mon front… je ne puis ni partir, ni même bégayer comme font les petits enfants qui rêvent de leur mère… mon sang est figé… mon beau corps de plâtre. »

Certes il a dû la prendre, brutal et doux ; il n’est pas fait pour attendre, s’attarder aux préliminaires étant si robuste ; mais il est frivole, il se lasse vite de cette énamourée qui tombe en catalepsie pour un baiser. Délaissée, elle gémit, regrette qu’il ne veuille même plus s’asseoir chez elle pour

  1. Les amantes de Tibulle ont découvert le chant mystérieux qui trompe l’époux : « Trois fois tu chanteras, dit l’une d’elles, trois fois tu cracheras. Ainsi il n’en croirait pas même ses yeux, s’il me voyait dans ta couche voluptueuse. » Properce est plus sombre ; à part le détail charmant et symbolique du rhombe (l’amant tourne aux vœux de sa maîtresse ainsi, qu’une toupie) il réclame un crapaud gonfle près d’un buisson, des tronçons de serpent, des plumes de hiboux ramasses sur des tombeaux écroulés, la bandelette du lit d’un mort. Cette cuisine sent la décadence.