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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/10

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trouver le chemin de la fortune, et j’en ai à revendre des idées. Je ne suis pas encore riche, mais je le serai tôt ou tard… et, en attendant, je vis très largement. Il est vrai que j’ai eu de la chance. Un gros capitaliste m’a pris en amitié et m’a intéressé dans ses affaires. Et comme j’ai la main heureuse, je gagne déjà beaucoup d’argent. Si tu as des fonds à placer, tu n’as qu’à t’adresser à moi. Je me chargerai volontiers de les faire valoir et tu t’en trouveras bien.

— Malheureusement, je n’en ai pas.

— Je croyais que tes parents étaient très riches.

— Quatre à cinq cent mille francs en terres, dans le département d’Ille-et-Vilaine, c’est tout ce que mon père a laissé en mourant. Ma mère, qui habite Rennes, touche la moitié du revenu. Moi, j’ai bien assez avec l’autre moitié et avec mes appointements chez Labitte.

— En tout une douzaine de mille, per annum, comme disent les Anglais. Ce n’est pas énorme. Mais tu es tourné de façon à faire un superbe mariage. T’y prépares-tu ?

— Pas encore ; je ne suis qu’un petit employé. Aucune héritière ne voudrait de moi.

— Tu te trompes, cher ami. Sans compter tes avantages physiques, tu as un nom. Robert de Bécherel, ça sonne bien !… et je connais des jeunes filles de la très haute finance qui le portaient volontiers, ce nom à particule. En temps de République, ça se paie très cher, la noblesse. Tu as là une grosse valeur matrimoniale ; tandis que moi qui m’appelle Gustave Pitou, je ne serai mariable que le jour où je posséderai une paire de millions.