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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/123

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— Que m’importe ce qu’on croira, répondit Violette, j’aurai ma conscience pour moi, et tôt ou tard on me rendra justice. Êtes-vous donc moins brave que moi, vous qui, en votre qualité d’homme, n’avez rien à perdre en passant pour… pour ce que vous ne serez pas.

— Non, certes. Seulement, j’aurai beaucoup à souffrir.

— Et de quoi, grand Dieu ?

— Vous avez toutes les illusions de votre âge. Vous croyez à l’amitié pure… à ma sagesse… vous croyez qu’on peut impunément jouer avec le feu… et qu’en vous voyant tous les jours, je ne deviendrai pas éperdument amoureux de vous.

— Je vous rappelle nos conventions. Vous avez juré de ne jamais me parler d’amour.

— Je vous en parle parce que vous m’y forcez. Il faut bien que je vous dise la vérité… et la vérité c’est que les serments les plus sincères ne tiennent pas contre les entraînements du cœur. L’alliance que vous rêvez est impossible. Elle vous coûterait votre réputation et moi, je jouerais un rôle ridicule. Me voyez-vous m’établir surveillant votre vertu… vous conduire au théâtre et vous attendre à la sortie ?

— Monsieur, vous ne me comprenez pas du tout, dit la jeune fille d’un air fâché. Je n’attends pas de vous des services de ce genre. Je vous demande si vous pouvez m’ouvrir la carrière que j’ai choisie, après mûre réflexion. Et si j’y échoue, je ne vous rendrai pas responsable de mon insuccès. Je l’attribuerai à l’insuffisance de mon talent. Mais pour que je sache si j’en ai, il faut que je puisse me faire