Aller au contenu

Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et il ne lui déplaisait pas de la renouer. De plus, Robert aimait l’imprévu. L’idée de passer une partie de la nuit chez cette comtesse qu’il n’avait jamais vue lui semblait originale et amusante. Il se disait qu’il en serait quitte pour se tenir sur la réserve dans le monde inconnu que son ami allait lui montrer et il se croyait assuré de ne pas s’y compromettre, quoiqu’il eût le goût du jeu. Ce goût, son père le lui avait transmis avec le sang, et son père s’était à demi ruiné jadis devant les tapis verts de la province. Mais Robert, assagi par la médiocrité de sa situation, avait fini par se corriger de ce défaut héréditaire.

Il se décida, non sans quelque hésitation, à suivre l’entraînant Gustave jusqu’au bout de cette aventure bizarre, et quand une opération indispensable eut rendu à leurs chaussures le lustre qu’elles avaient perdu sur les trottoirs boueux des boulevards, ils montèrent ensemble dans une voiture de place qu’ils eurent la chance de trouver libre, au coin de la rue Vivienne.

Robert n’y serait certainement pas monté, s’il avait pu lire dans l’avenir.

— Où demeure-t-elle, ta comtesse ? demanda Robert.

— Rue du Rocher, tout en haut. La course est un peu longue, mais il n’est que dix heures et nous arriverons au bon moment. Tu entendras Mlle Violette, qui chante dans la perfection.

— Qu’est-ce que c’est que Mlle Violette ?

— C’est la maîtresse de musique de Mlle des Andrieux. Une très jolie fille, ma foi !… seulement, elle n’a pas le sou, et je ne te conseille pas de pousser