Aller au contenu

Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

100
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

feuilles mortes qui achevaient de tomber semblaient frémir au bout des branches dénudées quand le retentissement sourd d’une décharge arrivait jusqu’à elles. Comment avons-nous pu être heureux ? Cela n’était pas tout à fait bien.

Nous laissâmes à droite, sur sa colline, la tour ruinée de Montépilloy, à gauche la haute cheminée de Barberie, et au bout d’une heure le petit trot raisonnable de Poney nous amenait au pavé de Rully. Le village avait un air calme, presque triste ; sur les portes se lisaient les inscriptions allemandes à la craie ; on ne voyait point de soldats, point d’habitants non plus, ou bien peu.

Un seul groupe nous salua sur la place de l’église, c’était cinq ou six personnes qui se tenaient à la porte de cette épicerie-cabaret devant laquelle les routes se croisent.

Notre fermier fut trouvé et payé, mais c’est bien l’homme le plus hospitalier et le plus tenace que je connaisse ; il voulait nous faire reposer et réchauffer, et malgré mes instances nous n’étions pas encore repartis une heure après notre arrivée. La conversation, qui roulait sur les Prussiens, l’amena à nous apprendre qu’on avait annoncé pour ce jour même un passage de troupes venant de Crépy. François se joignit alors à moi pour presser le départ, assurant que madame pourrait être inquiète si nous tardions davantage ; il attela lestement et nous prîmes congé.