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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/237

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

pas, chère maman, pour leur dire encore merci ? Et puis, les plus malades, les blessés récents ont dû souffrir horriblement, souffrir et périr. C’était un froid noir, âpre, avec du vent ; je grelotte encore en y songeant.

Couché dans la paille, au fond d’une charrette, je n’ai pas bien vu ce que chacun devenait ; on dit qu’une escouade de blessés a remonté sur Fréteval, la nôtre a suivi la route de Vendôme.

Dans les villages, on sortait au-devant de nous, effaré ; nos conducteurs donnaient les mauvaises nouvelles, on s’écriait :

« Ça serait-il possible qu’ils viennent jusqu’ici ! »

Nous laissions la stupeur derrière nous, et nous passions plus loin.

Je crois que nous sommes arrivés à Vendôme vers midi ou une heure ; nous avons pu voir que la population était bonne : on nous a fait tous ranger sur une grande place, les habitants sont venus, et chacun d’eux a choisi ceux des malades qu’il voulait ou pouvait prendre à loger. L’un demandait cinq hommes, un autre dix hommes, quelques-uns vingt-cinq. Notre convoi était le second et n’a pas suffi à occuper toutes les places préparées, mais assez d’autres pauvres diables ont passé depuis, et rien n’aura été perdu.

Je me suis évanoui bêtement avant de m’être vu casé, si bien que je n’ai aucun souvenir entre celui de ces offres de soupe, de lits, de feu, et le moment