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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/26

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

rester ! Ceux-là trouveront bien amère la pauvreté qui les livre à un danger que nous sommes si empressés d’éviter. La panique, dont nous voyons déjà de si tristes effets, va augmenter ; on m’a dit que beaucoup de pauvres gens s’installaient dans les bois ; on ne sait jusqu’où cette terreur peut les mener. Les vingt ou vingt-cinq familles du village resteront si nous restons ; nous sommes seuls à savoir l’allemand et nous pourrons servir d’interprètes. Je crois que notre place est ici. Mais nous te parlons de ceci, mon enfant, parce que si tu éprouvais une trop grande crainte de rester, cela trancherait la question. Nous partirions pour le Perche, pour la Bretagne, nous irions aussi loin que le souhaite la prudence de ton père.

— Pourquoi n’irions-nous pas dans Paris avec papa et Maurice ? ai-je demandé.

— Parce que Paris sera probablement assiégé, a dit mon père. On ne choisit pas une ville assiégée pour y enfermer des femmes et des enfants. Tu sais ce que je me suis donné de peine pour empêcher les paysans d’envoyer leurs familles à Paris ; ces bouches inutiles embarrasseront la défense et peuvent l’abréger. Malgré la consolation qu’il y aurait à être ensemble, je ne crois ni juste ni bien de vous y faire entrer. Cela serait un plus mauvais exemple que la fuite dont la pensée scandalise ta mère. Ce sont des soldats qu’il faut à Paris et des vivres !