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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/29

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

a cédé à toutes les bonnes raisons que maman a su trouver, et depuis ce matin la nouvelle est répandue dans le village.

Si nous avions besoin d’encouragements, nous en trouverions dans la joie générale. Les plus pauvres sont les plus heureux, car ils savent maintenant qu’ils ne mourront pas de faim. La vieille Manon l’a dit naïvement :

« Surtout, mamselle, faites beaucoup de provisions, car nous autres n’en ferons guère. »

Trois familles qui commençaient leurs préparatifs les suspendent ; pour d’autres, l’exemple de maman arrive trop tard. Mardi sont partis les enfants et les petits-enfants de la mère Leblanc. Comme on n’accepte plus de bagages au chemin de fer à cause de l’encombrement, ils n’ont emporté que ce qu’ils pouvaient mettre sur eux. Les enfants avaient trois robes l’une par-dessus l’autre, cela les rendait aussi larges que hautes.

Les de R*** sont partis aussi hier, ne laissant derrière eux que les domestiques. Toutes les maisons bourgeoises sont maintenant fermées ; tu ne saurais croire combien le pays est devenu triste depuis ces départs. Heureusement que nous avons beaucoup à faire ; on va envoyer à Paris deux des vaches et une charrette pleine de vivres, puis il nous faut travailler aux cachettes.

Nous mettons dans des caisses la plus grande