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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/323

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

cette ligne de sentinelles qui le séparait du parc devant lequel son fils avait dû tomber.

Plusieurs fois, pendant ces deux jours, il quitta le champ de bataille pour parcourir les ambulances de Paris, mais son attente fut toujours déçue. Dans l’après-midi du 21, à la faveur d’un armistice tacite, l’ennemi nous rendit enfin nos blessés et M. de Vineuil pénétra dans le parc de Buzenval. Ses recherches restèrent vaines.

Bien des fois, sa lettre commencée avec tant de confiance le 18 lui revint en mémoire, ainsi que ce visage si doux et si ferme, resplendissant de jeunesse et de foi qui s’était penché vers lui pour l’embrasser, tandis qu’une autre lettre, qui ne serait non plus peut-être jamais terminée, se posait sur la sienne.

Le 22, le pauvre père errait encore d’ambulance en ambulance, il avait même fini par entrer à l’amphithéâtre de l’hôpital Beaujon, où l’on centralisait les cadavres. C’était un spectacle horrible, et il en sortait chancelant de l’émotion de l’attente, osant à peine se réjouir de ne pas avoir du moins rencontré là son fils, quand un crieur de journaux vint à passer. « La liste des blessés aux ambulances de la Presse ! » criait-il.

M. de Vineuil acheta le Gaulois et lut : « de Vineuil, ambulance de la Presse, Passy. »

Il y eut là quelques heures bien douces au sortir de telles angoisses, car la blessure de Maurice, une