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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/50

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

raient laissé entrer les Allemands dans la ville, puis chacune aurait tué son homme. De cette façon, et toutes les villes se proposant d’imiter Strasbourg, ces pauvres Allemands sont perdus. Au reste, c’est une justice à nous rendre, à nous autres Français, nous sommes de bonnes pâtes. Plaindre ces pauvres Allemands nous occupe un peu plus que les combattre. À chaque instant, nous nous attendrissons sur leur sort, et je ne crois pas, vraiment, que deux bourgeois manceaux, ou deux lignards, ou deux bonnes d’enfants, puissent entamer le sujet guerre, sans conclure ainsi ou à peu près : — Attendez seulement qu’ils aient un petit échec sous Paris et puis vous verrez comme les paysans les arrangeront ! De Paris à la frontière, c’est long. Les pauvres gens ! il n’en restera pas un ! — Et là-dessus, on s’en va à son logis, très-préoccupé de ce qui ne vous concerne pas et fort peu de ce qu’on pourrait faire.

Je tourne au volume, mon cher père, et pourtant je vous sais bien occupé. Embrassez le lieutenant Maurice pour moi et aimez toujours ce fils écervelé dont le cœur est cependant si entièrement et si respectueusement à vous.

André.

Il se peut que le léger parfum qui s’exhale de cette feuille vous apprenne que le tabac me compte au nombre de ses adeptes, — de ses dupes, de-