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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/95

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

m’avait ravitaillé. Pour lui faire plaisir il aurait fallu prendre assez de vêtements pour charger un fourgon et de l’or plein les poches. Heureusement que l’ordonnance ne permet que deux chemises ; je les ai toutes neuves, en laine, et aussi de bons souliers ; mes vieilleries n’en feront pas moins la campagne au service d’un pauvre camarade moins bien monté que moi — en oncle.

Nous sommes allés par chemin de fer du Mans à Tours, où nous avons logé chez l’habitant. J’avais pour hôte un épicier des faubourgs qui, après m’avoir gardé assez longtemps dans sa boutique sans rien faire de ma personne, se décida à me montrer au rez-de-chaussée une jolie petite chambre, presque remplie par un énorme lit. Il y avait de drôles de fleurs artificielles sur la cheminée, et j’aurais trouvé cela charmant, n’eût été un pénétrant parfum de chandelle dont on ne pouvait se défendre, puisque toute la provision était suspendue au plafond dans un ordre admirable qui eût fait honneur à notre régiment. Je me console vite en songeant au bon lit que je vais avoir quand arrive la maîtresse du logis avec sa servante, et voilà qu’en moins de rien ce fameux lit se trouve déménagé : un bel édredon en calicot rouge, des couvertures, je ne sais combien de matelas, tout cela est parti à mon nez et à ma barbe, — mais non pas les chandelles. Quand il n’est plus resté que le bois de lit, la servante a reparu seule avec une vieille