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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/106

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Nous réglons volontiers l’opinion de nous-mêmes ſur celle que nous avons des perſonnes qui s’attachent à nous. Rien, dans la mienne, ne l’emportoit ſur le Comte : cet objet de comparaiſon me rendoit la chûte que je venois de faire, mille fois plus effroyable. Ah, Rozane ! m’écriai-je, quelle auroit été votre indignation, ſi vous aviez entendu ma mere, mendier, en ma faveur, l’indulgence de votre rival ? Eh, c’eſt moi qui l’ai nommé pour occuper votre place ! J’ai prononcé l’arrêt de notre ſéparation !… Les mouvements excités par ces conſidérations, tenoient de la fureur, de la frénéſie… Je m’agitois comme quelqu’un dont la tête eſt renverſée !… Dix fois je voulus retourner chez la Marquiſe, pour révoquer le conſentement qu’elle m’avoit arraché ; la crainte de ſa colere, plus encore celle de l’odieux Préſident, m’arrêta.

L’après dînée, Madame de Rozane annonça mon mariage : il fâcha plus qu’il ne ſurprit. Le peu de fortune du Chevalier, ſa tournure d’eſprit, les vœux ſecrets qu’on faiſoit pour le Comte, joints à mon extrême triſteſſe, rendirent tout le monde fort économe de félicitations. Je devinai une partie des motifs de cette réſerve, & j’en fus flattée.

Monſieur de Grandelle arriva, & ne pa-