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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/163

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ſonna que je n’étois pas encore à moitié de l’anti-chambre ; curieuſe de ſavoir ſi ce n’étoit point pour me rappeller, je me rapprochai de la porte, & fus très-étonnée d’entendre qu’il s’agiſſoit de faire chercher le Baron au plus vite.

Tout ce qui s’étoit paſſé depuis quelques heures, portoit un caractere de ſingularité, ſur laquelle je formois des conjectures ſans nombre. Pourquoi Mademoiſelle d’Aulnai accuſoit-elle la Marquiſe de ſa mort, puiſqu’elle s’étoit fait Religieuſe volontairement ? Quelle étoit cette mort dont elle avoit parlé comme d’une affaire de choix ? ce bien ſi précieux qu’elle regrettoit encore ? ce perfide qui l’avoit lâchement abandonnée ? cette troisième perſonne qu’il n’avoit pu comprendre ſans ſes horribles anathêmes ? Pourquoi Madame de Rozane, chargée par elle d’imprécations, l’avoit-elle ménagée dans ſa colere, au point de ne la pas nommer ? La terreur avoit-elle étouffé la voix du reſſentiment ? étoit-il naturel qu’elle eût pris tant d’empire ſur une conſcience ſans reproche ? Enfin, pourquoi recourir à Murville, de préférence, dans une conjoncture où tout lui devoit être parfaitement étranger ?…

J’errois dans cet abyme ténébreux, où j’étois preſqu’également effrayée de ce que je voyois, & de ce que je ne voyois pas,