Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/172

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dans ſon ſilence, un projet téméraire dont j’aurois dû frémir, & qui, je l’avoue avec confuſion, ne m’inſpiroit de crainte que pour le ſuccès. J’étois déjà trop enflammée, pour renoncer à voir mon amant, & j’avois trop peu d’expérience pour en redouter le danger.

„ Près d’une ſemaine s’écoula, ſans que je reçuſſe aucune nouvelle de Murville… C’eſt aux ames tendres & vives à ſe repréſenter mes impatiences… Les difficultés étoient grandes, je le ſavois ; mais je ne pouvois en ſuppoſer d’invincibles pour un homme bien amoureux.

„ Tourmentée cruellement par mes inquiétudes, les doutes les plus accablants commençoient à s’y joindre, quand on me remit un billet du Chevalier. Il me recommandoit de laiſſer coucher, le ſoir même, tout le monde, & de me tenir à ma fenêtre, vers onze heures… Le jour finit, onze heures ſonnerent, Murville parut… J’eus l’audace d’admettre chez moi, dans une nuit obſcure, un amant adoré, & avec lui tous les périls qui peuvent menacer la vertu.

„ Je me garderai bien de m’appeſantir ſur ces moments d’ivreſſe, où je ne reſpirois qu’amour & que félicité. Une malheureuſe qui conſidere tous les jours l’en-