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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/177

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d’enviſager tranquillement un avenir très-éloigné, très-incertain. Je ne dois pas, repris-je, me défendre d’un tel reproche : il faut le confondre. Mon amour eſt foible, dites-vous, eh bien, voyons, Murville, ſi le vôtre ſera capable d’auſſi grands ſacrifices. Mon ſort dépend ici de Madame de Rozane, ailleurs il dépendra de moi ; paſſons chez l’étranger : là, ſous la protection des loix, nous formerons des nœuds que rien ne pourra rompre. Les déſerts les plus arides, l’état le plus abject me ſeront délicieux, ſi je les partage avec vous… A ma majorité nous reviendrons en France. J’entrerai en poſſeſſion des biens que mon pere m’a laiſſés, & je vous dédommagerai, à la face de l’univers, des privations que l’amour vous aura fait ſouffrir.

„ Murville parut étonné de ma propoſition : ſans y répondre directement, il me promit de parler à ma mere, & de venir, la nuit ſuivante, me parler du ſuccès.

„ Non, il n’eſt pas vrai que nous preſſentions les maux dont nous ſommes menacés : ſi cela étoit, je ſerois expirée, en diſant, à celui que j’idolâtrois, un adieu… qui devoit être le dernier.

„ Tout eſt fini pour moi. Je n’ai plus à parcourir que la carriere effroyable du