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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/34

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de mes filles, & renoncer pour elles à mon goût, à ma gloire, à tous les plaiſirs qu’elles ne partageroient pas.

Mon Dieu ! répondis-je en pleurant, je n’ai point la témérité de prononcer ainſi ; je ſais que vous êtes maîtreſſe de faire ce qu’il vous plaît, & que c’eſt à nous de reſpecter vos volontés. Je le penſe de même, reprit-elle, & ſuppoſe que vous recevrez, dans cet eſprit, la nouvelle de mon mariage avec le Marquis de Rozane. Allez en inſtruire votre ſœur, & préparez-vous toutes deux à recevoir convenablement ſa viſite. Le cœur bien gros, bien mortifié, j’allai rejoindre Mademoiſelle d’Aulnai, qui, voyant mon viſage inondé de larmes, en demanda la cauſe avec inquiétude. Ah, ma ſœur, m’écriai-je, que vous allez être étonnée ! ma mere qui ſe remarie : — Eh bien, que trouvez-vous d’étrange à cela ? dit-elle froidement : depuis long-temps je m’y attendois, & vous auriez dû le deviner lorſque vous avez vu qu’on vous laiſſoit au Couvent. Se marier, répétois-je, quand on a deux filles en âge de l’être ? car j’ai près de ſeize ans, vous près de quinze, c’eſt le moment de nous montrer, de nous produire dans le monde : je me flattois que ma mere s’en occupoit ſérieuſement, & que… Je vous plains de vous être fait une telle illuſion, inter-