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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/40

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chercheroit à ſe les attirer… Son abſence m’humilioit… Je n’oſois parler de lui ; mais diſtraite, agitée, je rougiſſois chaque fois qu’on ouvroit la porte du ſallon.

Vers neuf heures, deux hommes entrerent ſans être annoncés… C’étoient Meſſieurs de Rozane, pere & fils, qui revenoient enſemble du ſpectacle. Le Marquis me careſſa beaucoup ; je n’obtins du Comte qu’une très-profonde & très-froide révérence, après laquelle il s’éloigna.

Cruellement trompée, mon cœur ſe ſerra ; peu s’en fallut qu’il ne m’échappât des pleurs… Revenue de cette pénible émotion, je m’en dédommageai par le plaiſir de conſidérer à mon aiſe celui qui me fuyoit. Debout auprès de la cheminée, il développoit, ſans y penſer, toute l’élégance de ſa perſonne : qu’il étoit bien ! ſa taille s’étoit formée ; elle avoit acquis cette aiſance qui donne les graces ; il regnoit ſur ſon viſage, & dans ſon maintien, je ne fais quelle langueur qui tendoit à la mélancolie, & faiſoit paſſer juſqu’à l’ame l’expreſſion touchante du ſentiment.

Je m’oubliois dans cet examen, quand on avertit pour le ſouper. Nouvelle mortification ! le Comte préſenta ſa main à la premiere femme qui ſe trouva à portée de la recevoir. La table ne me ſervit pas mieux :