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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/44

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âge, auxquels elle ne pouvoit pas me ſouſtraire entièrement… Je la ſuivis dans une de ces aſſemblées où les jeunes perſonnes vont ſe diſputer le prix des graces. Mademoiſelle de Villeprez y parut avec la taille & la figure de Minerve ; ſes grands yeux noirs ſembloient dire à tous ceux ſur leſquels elle daignoit les arrêter : c’eſt à moi que vous devez rendre hommage.

Cette Demoiſelle de Villeprez avoit pour mere une de ces femmes qui affichent la vertu, ou plutôt la pruderie ; une de ces réformatrices du genre-humain, qui ſuppoſent le mal par-tout, excepté dans leurs enfants & dans elles-mêmes. Une telle manière d’être n’alloit point à Madame de Rozane ; cependant elles ſe voyoient en viſite, & nous demeurions aſſez proche les unes des autres pour faire ma compagne de ſa fille, ſi je n’avois ſenti une eſpece de repouſſement à ſon égard : la cauſe en étoit dans je ne ſais quoi d’impérieux, de guindé, qui m’étoit antipatique. Rozane, qui jamais ne l’avoit diſtinguée, fut un des plus empreſſés à lui offrir ce que ſes yeux demandoient.

Aſſiſe auprès de ma mere, je les obſervois ſans diſtraction. Chaque préférence du Comte me donnoit un coup de poignard ; & j’en reçus d’innombrables, puiſqu’il ne fut occupé que d’elle.