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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/82

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fit ſi bien prendre le change, qu’on m’obligea de me mettre au lit en arrivant au Couvent.

L’image du déſeſpoir que j’avois vue ſur le viſage du Comte, les regrets de l’amour, le cri du devoir, me firent paſſer une nuit d’autant plus cruelle, que toute communication m’étoit interdite avec ma ſœur, par la diſtance & la poſition de nos logements. Ainſi privée de ſon ſecours, inquiète de ſavoir ſi elle trouvoit ma conduite digne d’éloge ou de blâme, je ſouffris au point, que le jour ſuivant on me crut réellement malade, & l’on en avertit ma mere.

Je n’eus rien de plus preſſé que de chercher Mademoiſelle d’Aulnai ; mais au-lieu de faire la moitié du chemin, comme je m’y étois attendue, elle affecta de m’éviter… Il me fallut uſer de fineſſe, pour l’engager, vers le ſoir, dans une promenade particuliere.

J’ai eu bien de la peine à vous joindre, lui dis-je ; on croiroit que vous n’avez, aujourd’hui, nulle envie de m’entretenir. On croiroit le vrai, répondit-elle. — Eh, d’où vient cette ſingularité ? Vous devriez avoir mille choſes à me dire. — Point du tout. — Mais auriez-vous donc oublié ce qui s’eſt paſſé hier ? — Non. Vous avez vu votre amant, digne de tous les ſacrifices : vous