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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/94

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diſoit pas un mot, ne me jettoit pas un regard, que je ne cruſſe y découvrir une épigramme.

A quelques jours delà, ma mere me fit appeller un matin. Ma fille, me dit-elle, je vais vous donner des marques de la tendreſſe que j’ai toujours eue pour vous, quoique les circonſtances aient pu vous en faire douter quelquefois… Vous êtes en âge de prendre, dans le monde, un nom, un état, qui répondent à votre fortune ; de vous marier enfin, & c’eſt de quoi je me ſuis ſérieuſement occupée. Vous ſavez que j’étois maîtreſſe d’y procéder ſans aucun autre égard que celui des convenances ; de ne vous montrer le mari à qui je vous deſtinois, qu’après m’être engagée pour vous à le recevoir ; mais cet uſage révolte la délicateſſe. J’ai cru qu’il falloit, pour le plus grand bien, ménager celle de ma fille, en l’accoutumant de bonne heure à la personne qui devoit partager ſon ſort. Vous avez vu que ſans vous rien preſcrire, je laiſſois à votre cœur le temps de s’expliquer : s’il avoit trahi mes intentions par un mauvais choix, j’aurois repris mes droits pour en arrêter les ſuites ; mais celui qu’il a fait eſt tel que je le pouvois deſirer : je l’approuve donc avec ſatisfaction ; & vous permets de regarder M. de Murville comme