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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/99

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plaire qu’il me perſécute, & que peut-être il renonce à ſon propre goût… Le monſtre !… Je le punirai de ſa lâche complaiſance. Aux témoignages réitérés de ma haine, de mon mépris, il comprendra, que ſi l’on me force à devenir ſa femme, ce ne ſera pas moins pour ſon malheur que pour le mien.

Je me tins parole, ſans égard aux obſervations de ma mere. Une telle nouveauté fit, ou parut faire impreſſion ſur le Chevalier. Un changement extraordinaire s’enſuivit. La réſerve, la circonſpection prirent la place de ſa légéreté. A ſes tons, moitié galants, moitié cauſtiques, il ſubſtitua ceux du reſpect, du ſentiment. Sans me rien adreſſer directement, il avoit l’art de me faire entendre ce langage… qui ne ſauroit déplaire, même de la part de ceux qu’on ne veut pas aimer. Cette métamorphoſe me gêna. Les traits de mon humeur s’émouſſoient contre une attention délicate. Souvent une nuance de triſteſſe, qui ſe montroit à propos, arrêtoit une dureté ſur mes levres. Etonnée de ce que je voyois, incertaine de ce que je devois en conclure, je me demandai ſi j’avois bien ſaiſi le motif du Chevalier ? s’il pouvoit être vrai que le deſir d’obliger ma mere, en me déſolant, fût le principe de ſes démarches, & des révo-