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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/43

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Ces mots me confirmerent dans l’opinion que Murville n’avoit point parlé ; mais à quoi devois-je attribuer ce ménagement de ſa part… Tout-à-coup mon eſprit s’ouvrit à la vérité ; je conçus qu’il ſe garderoit bien de provoquer une explication, dans laquelle je pouvois uſer d’une terrible repréſaille ; qu’il me connoiſſoit aſſez pour être ſûr que de moi-même je ne romprois pas la glace ; mais que je ne ménagerois rien, s’il me mettoit dans la néceſſité de me défendre. J’allai plus loin : je me dis qu’il n’avoit cherché à m’intimider, que parce qu’il me craignoit lui-même ; … que la lettre de Mademoiſelle d’Aulnai ſeroit toujours un frein qui le tiendroit en reſpect à mon égard… Quel triomphe ! de me trouver en fonds pour lui rendre les inquiétudes qu’il m’avoit fait malicieuſement éprouver ! ma fierté ſe releva ; je condamnai ma timidité du matin, & me remis à peu près dans des diſpoſitions pareilles à celles où j’avois été la veille.

Tout cela fut arrangé dans ma tête, avant le dîner, où je me promettois une plus douce occupation. Le moment du ſervice tardoit à mon impatience… Cependant je n’étois pas ſi jolie qu’à l’ordinaire ; mais les larmes dont Rozane remarquoit les traces ſans en ſavoir le ſujet, pouvoient me rendre bien intéreſ-