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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/131

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surtout dans l’homme qu’il est puissant. La dissipation, les plaisirs des sens en émoussent la délicatesse, mais dans l’infortune l’homme le retrouve toujours ; cet agent consolateur ne nous abandonne entièrement qu’avec la vie.

N’êtes-vous pas satisfait, grimpez sur un des pitons du mont Blanc ; voyez le soleil, se levant par gradations, porter la consolation sous le chaume du laboureur. Que le premier rayon qu’il lance soit surtout recueilli dans votre cœur ! Souvenez-vous bien des sentiments que vous goûterez.

Descendez au bord de la mer, voyez l’astre du jour sur son déclin se précipiter avec majesté dans le sein de l’infini : la mélancolie vous maîtrisera, vous vous y abandonnerez, l’on ne résiste pas à la mélancolie de la nature.

Êtes-vous sous le monument de Saint-Rémi ? Vous en avez contemplé la majesté ; le doigt de ces fiers Romains, tracé dans les âges passés, vous fait exister avec Émile, Scipion, Fabius. Vous revenez à vous pour voir des montagnes, dans l’éloignement d’un voile noir, couronner la plaine immense de Tarascon, où cent mille Cimbres restèrent ensevelis. Le Rhône coule à l’extrémité, plus rapide que le trait ; un chemin est sur la gauche, la petite ville à quelque distance, un troupeau dans la prairie ; vous rêvez sans doute, c’est le rêve du sentiment.