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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/208

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paix se faisait cependant quelquefois ; il y avait des gens sages, des vieillards respectés qui réconciliaient les partis. On était scrupuleux dans l’exécution du traité.

Tels furent, Monsieur, les effets de l’administration génoise. Accablés sous le poids des impôts arbitraires, désunis, les mains dégouttantes du sang de nos frères, nous gémîmes longtemps ; mais ce ne fut qu’en 1714 que l’on commença à s’apercevoir qu’il se faisait un mouvement général, l’on envoya un orateur à Gênes représenter l’état déplorable de la nation ; il était entre autres choses chargé de solliciter un désarmement général et priait le sénat de faire respecter son autorité. Les patentes pour porter les armes étaient à la fois une spéculation de finances et de politique. Le sénat eut l’impudence de se refuser à la demande si raisonnable, et d’alléguer pour prétexte la diminution que cela produirait dans le revenu public. L’orateur proposa une nouvelle imposition beaucoup plus forte ; l’imposition fut acceptée, mais les patentes continuèrent toujours à se distribuer, et la justice s’occupa tout aussi peu de se faire respecter ; l’île était déserte, inculte et dépeuplée. Depuis l’époque de Giovan Paolo, la population avait diminué des trois quarts ; elle était alors de 400 000 habitants, et en 1720, on n’en comptait que 120 000, le commerce était anéanti et la férocité des Corses était à son comble, leur existence était si misérable,