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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/30

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II

Et d’abord était-il écrivain ?

« Tout l’esprit d’un auteur, dit La Bruyère, consiste à bien définir et à bien peindre. » Ne nous méprenons pas trop sur la signification du mot esprit. Il ne s’agit point ici de cette disposition toute particulière, de cette qualité naturelle, en vertu de laquelle nos contemporains relèvent par un mot piquant, par une remarque ingénieuse, originale, la trame trop banale d’une dissertation, qu’elle soit écrite ou parlée. Il y a, d’ailleurs, plusieurs sortes d’esprits. Celui de Rabelais, par exemple, fait de malice bouffonne, d’ironie large et profonde, a peu de ressemblance avec la manière sautillante, et pour ainsi dire ailée, d’un Beaumarchais ou d’un Chamfort. Entre ces deux termes de comparaison, il y a place, dans la littérature française, pour une autre sorte d’esprit non moins aiguisé, non moins vif, mais qui accorde une plus réelle hospitalité au bon sens, à la simple raison, — le tout sous une forme ingénue et presque détachée de son sujet tant elle est légère. Cet esprit-là, d’excellente qualité, Molière et La Fontaine l’ont possédé à un degré inimitable. Quand La Bruyère indique les deux grandes vertus propres à un