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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/308

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et sur-le-champ. Je suis las d’afficher l’indigence, et d’y voir sourire d’insolents écoliers, qui n’ont que leur fortune au-dessus de moi, car il n’en est pas un qui ne soit à cent piques[1] au-dessous des sentiments qui m’animent. Eh quoi ! monsieur, votre fils serait continuellement le plastron de quelques paltoquets qui, fiers des douceurs qu’ils se donnent, insultent en souriant aux privations que j’éprouve ! Non, mon père, non. Si la fortune se refuse absolument à l’amélioration de mon sort, arrachez-moi de Brienne, donnez-moi, s’il le faut, un état mécanique. À ces offres, jugez de mon désespoir. Cette lettre, veuillez le croire, n’est point dictée par le désir de me livrer à des amusements dispendieux ; je n’en suis pas du tout épris. J’éprouve seulement le besoin de montrer que j’ai les moyens de me les procurer comme mes compagnons d’étude[2].

Votre respectueux et affectionné fils,

Buonaparte

.

  1. Bonaparte se sert ici d’une des expressions les plus familières à madame de Sévigné.
  2. L’auteur de cette lettre, où l’on trouve déjà la fermeté et la force morales d’un homme, avait onze ans et demi. On croit rêver.