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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/33

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tails, les traits de caractère, des hommes supérieurs ; elle se contente de les regarder d’un peu loin, dans l’impossibilité où elle est de les comprendre à la lettre. Or, de tous les grands hommes, Napoléon Bonaparte est à coup sûr celui qui a le mieux arrêté sur lui les regards des écrivains et des artistes. Châteaubriand ne l’aimait pas, mais lui a rendu maintes fois justice ; et cette particularité contribue à la grandeur de l’écrivain et de l’empereur. Pour Victor Hugo, seul, il a su trouver des expressions capables de fixer à jamais l’envergure du tempérament littéraire de Napoléon. Il n’est pas mauvais, par le temps qui court, de remettre sous les yeux du lecteur des passages du genre de celui-ci. « Il avait tout, » dit le grand poète en parlant de Napoléon. « Il était complet. Il avait dans son cerveau le cube des facultés humaines. Il faisait des codes comme Justinien, il dictait comme César, sa causerie mêlait l’éclair de Pascal au coup de foudre de Tacite, il faisait l’histoire et il l’écrivait, ses bulletins sont des Iliades, il combinait le chiffre de Newton avec la métaphore de Mahomet, il laissait derrière lui dans l’Orient des paroles grandes comme les Pyramides, à Tilsitt il enseignait la majesté aux empereurs, à l’académie des sciences il donnait la réplique à Laplace, au conseil d’État il tenait tête à Merlin, il donnait une âme à la géométrie des uns et à la chicane des autres, il était légiste avec les procureurs et sidéral avec les astronomes… » Ce tableau est éloquent. À une époque où je ne sais quels barbares se mettent à faire la guerre à l’intelligence, à la pensée française, afin de la transformer en un objet de risée, le tout pour la plus grande gloire de la monstrueuse démocratie de leurs rêves, une démocratie basée sur la stupidité et le mépris de tout idéal, il faut courageusement montrer l’affinité qui réunit Napoléon à Victor Hugo, tous deux issus du peuple. Béranger, vilain et « bien vilain » comme il le dit lui-même, Béranger voit en Napoléon le « plus grand poète des temps modernes. » Henri Heine, le hautain By-