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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/371

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fausse. Tout, dans la nature, a un cours et différents degrés d’accroissement. Ah ! je t’en prie, laisse-moi voir quelques-uns de tes défauts ! Sois moins belle, moins gracieuse, moins tendre, moins bonne surtout ; ne sois jamais jalouse, ne pleure jamais ; tes larmes m’ôtent la raison, brûlent mon sang. Crois bien qu’il n’est plus en mon pouvoir d’avoir une pensée qui ne soit pas à toi et une idée qui ne te soit pas soumise. Repose-toi bien : rétablis vite ta santé. Viens me rejoindre, et au moins, qu’avant de mourir, nous puissions dire : « Nous fûmes tant de jours heureux[1] ! »

Million de baisers, et même à Fortuné[2], en dépit de sa méchanceté.

  1. L’admirable chaleur amoureuse, les grands sentiments, l’emportement fougueux et passionné, qui règnent dans cette lettre d’un jeune mari de vingt-sept ans, en font une des plus curieuses du recueil. Walter Scott a dit avec raison : « On y trouve le caractère d’un homme aussi ardent en amour qu’à la guerre. Le langage du vainqueur qui disposait des États selon son bon plaisir, et battait les plus célèbres généraux du temps, est aussi enthousiaste que celui d’un berger arcadien. »
  2. Fortuné était le chien de madame Bonaparte. Napoléon semble avoir détesté cordialement ce carlin. Voyez à ce sujet les Mémoires d’Arnault. Un jour, au château de Montebello, Fortuné était sur le même canapé que sa maîtresse.
    « Vous voyez bien ce monsieur-là, » dit Bonaparte interpellant Arnault et lui montrant du doigt le chien, « vous voyez bien ce monsieur-là ; c’est mon rival. Il était en possession du lit de madame, quand je l’épousai. Je voulus l’en faire sortir ; prétention inutile ; on me déclara qu’il fallait me résoudre à coucher ailleurs, ou consentir au partage. Cela me