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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/46

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III

Il est de mode aujourd’hui, lorsqu’on étudie l’œuvre d’un prosateur ou d’un poète, de s’attacher à mettre en relief l’influence que la naissance et le pays ont pu avoir sur cette œuvre. En principe, ce procédé peut être d’une réelle utilité ; il sert à diriger plus efficacement la tâche du critique et de l’esthéticien ; cependant, on en est quelquefois sorti pour formuler des conclusions excessives. Des écrivains chagrins, mécontents d’eux-mêmes et des autres, n’ont pas craint de biffer la gloire d’un auteur, faisant remonter la paternité de son œuvre à ses ascendants, voire à son propre pays natal, ce qui revient à transformer le sujet ainsi écorché vif en un simple interprète, un copiste obligé, ayant transcrit ses sensations sous le coup d’une force mystérieuse. Un grand écrivain, érigé en professeur de littérature, a tenté de mettre en péril la gloire de Rabelais et de La Fontaine ; un autre, simple polygraphe il est vrai, s’est ingénié à démontrer l’existence d’un troisième poète du nom de Corneille, criant bien haut que ses frères, Pierre et Thomas, l’avaient tenu sous le boisseau. Le tout au nom de la famille et du pays natal, le pays normand, comme on sait. L’expérience démontre donc