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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/49

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amoureuse, courant les protections, rimant de jolis sonnets en langue italienne[1], étalant sa noblesse avec complaisance, nous apparaît à la fois comme un poète-amateur et comme un de ces maigres « gentilshommes à lièvre, » dont se moquait spirituellement Pauline de Simiane, la caustique petite-fille de Sévigné. Il était bien de ceux qui avaient « la jambe belle, » au dix-huitième siècle, mais le cerveau superficiellement meublé. Le peu de renommée que Charles conquit dans sa pauvre île de Corse lui vint surtout de ses bonnes relations avec les représentants du roi de France. Napoléon doit peut-être à son père l’excessive inclination qu’il eut toujours pour la rêverie, ce qui est le mal des délicats après tout. Il faut dire, à la décharge du père du futur empereur, que la famille de Buonaparte, après avoir passé par des phases fort brillantes, venait d’être réduite à la gêne par son acte d’adhésion à l’autorité royale, — qui lui valut la haine des vieux Corses, — et par le désordre économique qu’entraîne toujours l’annexion, moitié de gré, moitié de force, d’un petit pays à un grand. On a de Napoléon des lettres à l’intendant de Corse, au sujet de la succession paternelle. Elles témoignent d’une quasi-détresse. Il était temps que la petite ile « étonnât le monde, » selon le mot singulier de J. J. Rousseau. Les ascendants de Napoléon paraissent avoir eu le goût des arts et des lettres, ce qui s’expliquerait un peu par leur alliance avec les Médicis. À Bologne, ils figurent sur le Livre d’Or ; ils sont patriciens à Florence. Abel Hugo prétend même que la famille avait déjà donné des souverains à Trévise[2]. Il ne serait pas difficile de découvrir, au bénéfice de Napoléon homme de lettres, des indications fort concluantes. Tous ces Buonaparte sont, en général, hommes de loi ou hommes d’église, emplois les dénotant ainsi amis des livres. Un seul, Napoléon des Ur-

  1. Il en fit un, notamment, à l’occasion du mariage de M. de Marbeuf, gouverneur de la Corse, en 1784. On en trouvera la traduction et le texte à notre Appendice.
  2. Histoire de l’empereur Napoléon, page 8 (1833.)