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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/51

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Bozzi, le laissa toujours froid. Un sûr moyen de le mécontenter c’était d’y faire allusion.

Nous avons maintenant toute la psychologie de Napoléon et comme le pivot sur lequel devait évoluer son tempérament d’artiste. On comprend qu’un tel homme marquerait dans les lettres d’une façon particulière ; aussi ce tempérament merveilleux, — la critique l’a reconnu, — est-il tiré à un seul exemplaire. L’influence du sol natal existe : elle se traduit par des symptômes poétiques, — nous les avons passés en revue, — et par une sorte de développement anormal, exagéré, de la fierté et de la dignité personnelles. Il convient d’ajouter que l’homme tenait de son île un fatalisme digne des temps païens, de l’Hellas, et que ce fatalisme s’alliait chez lui à une croyance en Dieu très marquée, d’une sincérité profonde. Au moment d’aborder en Égypte, surpris en mer par une voile ennemie, il s’adressait à la Fortune, comme un Romain du temps d’Octave ou de Sylla, suppliant la bonne déesse de ne pas l’abandonner, de lui accorder cinq jours seulement. À Sainte-Hélène, touchant presque à sa mort, il reprenait vivement Antomarchi sur son athéisme. L’influence du sang et de la race s’affirme également : de sa mère, Bonaparte a l’action, la toute-puissante action ; de son père, il tient la rêverie et la faculté de traduire cette rêverie par l’expression littéraire, l’image écrite ou parlée selon le cas ; de tous les Bonaparte, ceux de San-Miniato aussi bien que ceux de Sarzana et d’Ajaccio, il a hérité une sorte de prédisposition instinctive et innée pour les arts et les lettres. Il a, à un degré supérieur, déconcertant, la première des qualités de l’écrivain : l’imagination. Si l’on y ajoute un certain raffinement dans la façon de sentir, une mémoire prodigieuse, le don du groupement et du choix, c’est-à-dire la faculté de bien distribuer les idées et les sujets, on voit que l’apport de la nature est complet. Il ne pouvait faire moins que d’être homme de lettres, même à travers les péripéties complexes d’une existence sans précédent et sans modèle. Physiquement, quand on l’étudie