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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/103

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CHARLOT S’AMUSE

des détours obliques de laisser ses maîtres marcher sur son ombre, qui rampait devant lui sur le trottoir ensoleillé. Arrivé devant la douane, on tourna à droite pour enfiler la rue Puébla, et en voyant décroître, puis virer cette ombre qui distrayait sa mobile imagination d’enfant, Charlot se rappela avec un remords qu’il avait passé sans y prendre garde devant la rue des Écluses-Saint-Martin, à deux pas de l’égout où s’était noyé son père. Un gros chagrin lui revint, bref encore : frère Sulpice et frère Origène lui proposèrent une partie de ballon dans le parc ; il accepta, et, retroussant leur robe, dégingandés, s’amusant plus que lui, les deux jeunes gens se mirent à se poursuivre par les allées et les pelouses, luttant de vitesse avec leur élève et se renvoyant la balle de caoutchouc avec des cris de pensionnaires. Quand ils furent fatigués, on rejoignit le directeur resté sur un banc avec Eusèbe. Il n’y avait plus qu’une place près d’eux, Sulpice la prit et Origène s’assit dans l’herbe avec l’enfant, à quelques pas en arrière.

Ils causèrent longuement. L’homme disait au gamin les choses de la campagne, passionnant la curiosité ignorante du petit faubourien avec mille détails sur la vie des champs. Origène était un grand garçon de vingt-deux ans,