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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/151

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CHARLOT S’AMUSE

balayant l’herbe, fauchant les aulnes, dans la promenade décroissante du ruban d’argent de leurs eaux blanches, plus larges près des vannes, sous les oseraies. Loin, bien loin, au bout de la plaine, des montagnes couraient aussi, bleuâtres, s’enlevant sur le ciel clair avec une vigueur exquise dans la transparente fraîcheur du matin ; et leurs flancs boisés de sapins, au détour des gorges ou dans la profondeur des trouées, s’assombrissaient sans gradation dans un bleu noir aux teintes moirées et métalliques. Puis, la gorge dépassée, le vert reprenait, étageant, depuis les rochers couronnant la crête jusqu’à la ligne d’ocre, limite des défrichements, la gamme confuse de ses tons. Au-dessous de cette ligne, un damier descendait, où les diverses cultures mettaient dans des cases irrégulières vingt couleurs différentes aussitôt confondues que découvertes dans la course folle du train. Bientôt, la voie fit un coude, et l’on coupa les montagnes par un défilé ombreux et étroit que surplombaient des roches et de vieux arbres, au milieu d’un de ces paysages romantiques que les vues de la Suisse ont popularisés.

Charlot battait des mains, reconnaissant quelque chose de familier, cherchant où il avait déjà aperçu ce site et se souvenant enfin