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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/191

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CHARLOT S’AMUSE

cervelle avaient jailli, secs maintenant et semblables aux mâchons de papier dont, à l’école, les deux enfants criblaient le plafond et la chaire du maître.

Un dégoût leur venait, insurmontable, et, traînant des armes et des casques qu’ils voulaient emporter comme souvenirs, ils prenaient leur course vers la forêt.

Là, derrière un arbre, ils trouvaient un cadavre verdi par la pluie, mais conservé par le froid des premières nuits d’hiver. Un moblot encore, enveloppé dans sa capote gris de fer, la face contractée en un grimaçant rictus et ses grands yeux blancs ouverts plongeant leur immobile et vague regard dans le vide. Sa tête reposait sur son havresac ; il tenait, de la main gauche, son chassepot au canon rouillé, de la main droite, une lettre que faisait bleuâtre la déteinte de l’encre sur les feuilles mouillées. Autour de lui, d’autres papiers traînaient chiffonnés et boueux sur la mousse. Blessé durant la retraite et se sentant frappé à mort, il s’était réfugié là pour mourir, le pauvre soldat, trouvant encore la force avant le hoquet suprême, de relire les lettres de ceux qu’il aimait.

Charlot, l’air soudain grave et le cœur étreint, revoyait nettement cette scène.

Il tremblait, pris d’un saisissement devant