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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/209

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CHARLOT S’AMUSE

l’entrée. Tout à coup, leurs rangs s’écartèrent et toutes ensemble firent le signe de la croix, en s’agenouillant sur le trottoir. Le jeune homme, le cœur brusquement serré, vit sortir de l’allée Guillaumet, l’enfant de chœur, avec sa robe et sa calotte rouges, qui agitait une sonnette et portait un fanal au bout d’un bâton. Derrière lui, le père Choisel, roide sous son surplis, marchait lentement, avec son éternelle extase dans les yeux, et tenant dévotement des deux mains le Saint-Sacrement contre sa poitrine. Son sacristain lui emboîtait le pas et l’abritait sous un parasol de soie blanche, dont les franges d’or, les broderies et les soutaches mettaient un dais d’étincelles au-dessus du bon Dieu et du bonnet carré du prêtre.

Charlot s’avança, chancelant ; puis, à quelques mètres de la maison, s’arrêta. Une angoisse l’étranglait, lui comprimant la gorge, et, voulant n’avoir pas compris, à demi hébété encore, il contemplait, accoté à la muraille, la lueur blafarde du falot qui vacillait, marquant les dandinements du jeune lévite. Furieusement, il s’accrochait à cette lumière, dans la vague prévision qu’elle partie, et sa raison revenue, il entrerait de plain-pied dans le malheur, dans le deuil.