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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/259

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CHARLOT S’AMUSE

Quand il se releva, il avait l’air triomphant. Cette virginité perdue lui mettait une flamme dans les yeux, une fanfare dans le cœur. Il était homme ! Ses habitudes solitaires ne l’avaient point complétement détraqué ! Il exultait radieusement.

Cependant à ce triomphe moral se mêlait un bonheur physique infiniment doux. Il sortait d’extases inouïes que, seul, il ne s’était jamais procurées encore, et un étonnement joyeux l’écrasait. C’était cela la femme ? Le fruit valait qu’on y goûtât, qu’on y revînt ; et s’expliquant pour la première fois les infidélités de Lucien, il eut le remords de s’être si longtemps trompé. L’amour dont lui parlaient les romans lui semblait à présent naturel. Si au lieu d’une prostituée, cette femme dont les baisers lui brûlaient encore les lèvres eût été une jeune fille qu’il pût aimer !

Comme il rêvait, l’air bête, elle se releva en chantant, se secouant sur la cuvette ainsi qu’un caniche. Et avec sa peau mouillée, ses cuisses blanches, elle lui parut si désirable qu’il la ressaisit. Elle se débattait un peu, disant qu’il n’avait payé que pour une fois, mais au fond toute heureuse de cette intensité de désirs et de cette candide admiration de sa chair. Ils se recouchèrent. Charlot ne pouvait se décider à