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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/27

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CHARLOT S’AMUSE

Un moment, l’ouvrier surprit l’œil de la veuve qui le dévisageait et il retira la tête, indigné contre cette ivresse abrutie qui enlevait à la femme tout souci du mari disparu, mais n’osant plus, après avoir accepté son repas, dire à la misérable tout ce qu’il avait sur le cœur. Elle devina sans doute son reproche muet :

— Alors, geignit-elle, donnant tout à coup à son visage une expression désolée, c’est bien fini ? On ne l’a plus retrouvé ?…

— Non, fit Rémy, l’air sombre ; quand vous avez envoyé le petit à huit heures, il n’y avait déjà plus d’espoir…

Et d’un geste brusque, il repoussa son assiette, comme se reprochant sa brutale fringale, alors que l’autre, son vieil ami, pourrissait dans la boue. Mais il écartait, nerveux, la pensée des rats, et pour chasser la vision maudite, il se mit à raconter, longuement, avec volubilité, comment le « malheur » était arrivé. Puis, il parla du gosse et de ses cris : Papa ! papa !… Le sergent des pompiers et le commissaire de police en avaient les larmes aux yeux, bien qu’habitués à en voir et à en entendre bien d’autres.

La femme ne répondit pas et ils restèrent de nouveau à se regarder, pensifs. L’ivresse de la