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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/313

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CHARLOT S’AMUSE

premier bec de gaz sous lequel ils passèrent, il vit qu’elle était jolie, et cela lui mit une joie dans l’âme, sans qu’il sût pourquoi. Il voulut s’arrêter, mais elle le tira :

— Non… de grâce… emmenez-moi… les agents me courent après…

Alors, il comprit. Il se retourna et vit sur l’autre trottoir, presque à sa hauteur, des femmes qui fuyaient, éperdues, avec de grands cris et un fla fla de jupons sonnant sur leurs talons. Derrière, une bande de drôles se ruait. Quelques-uns allaient passer près de lui. Et il se rappela ce qu’il avait lu, les coups de filet donnés par les agents des mœurs, la chasse infâme racontée tout au long par des feuilles policières dont cette ignominie amusait les lecteurs, bourgeois vertueux et femmes honnêtes ; mais, en même temps, il se souvint des trucs de troupier qu’il avait employés autrefois pour dépister un adjudant et dont le meilleur consistait à ne pas fuir le sous-officier, mais à le croiser, au contraire, avec un salut qui éteignait ses soupçons.

— N’ayez pas peur, dit-il à la femme et, rebroussant chemin, allant lentement, il dépassa les chasseurs, puis le groupe des argousins qui attendaient leurs camarades en gardant cinq ou six filles. Ceux-ci dévisagèrent bien le