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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/358

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CHARLOT S’AMUSE

coupable de l’abandonner seul dans la vie. L’idée lui venait que le petit avait sans doute hérité de son mal compliqué de celui de Fanny. Pourquoi le laissait-il vivre ? C’était peut-être un crime que de le tuer, mais ne serait-ce pas un crime plus atroce que lui léguer l’existence horrible et les tortures par lesquelles il avait lui-même passé ? D’abord, il se moquait un peu de ce qu’on dirait ! La loi et les préjugés ne sont point faits pour celui qui meurt…

Charlot se leva, il allait chercher le moutard ; mais à peine debout, il s’aperçut que le rhum avait opéré ; il chancelait. L’ivresse s’était infiltrée en lui sans que, dans son immobilité, il la sentit monter à son cerveau. Titubant, il traversa le quai, monta dans sa chambre et prit l’enfant dans ses bras, sans le réveiller. À la porte, entre deux hoquets, il eut un éclat de rire, comme si sa raison lui revenait, à présent qu’il ne voyait plus le canal. Il n’avait qu’à rester là, qu’à se jeter sur son lit ; la tentation s’était envolée ; une fois endormi il n’y penserait plus ; mais, en se retournant, il éprouva un tel serrement de cœur devant les murailles nues que sa lâcheté s’en alla.

Derrière la porte, était un jupon sale que Fanny avait laissé accroché à un clou et qu’il n’avait jamais osé toucher. Il le prit et l’em-