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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/39

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CHARLOT S’AMUSE

tous deux dans le grand calme de la nuit. Enfin, l’homme fut le plus fort. Il la terrassait, insoucieux de ses morsures, l’écrasant sous son poids. Au contact des mains hardies du mâle qui couraient sur son corps, quelque chose alors s’alluma en elle, brusquement. Il lui sembla que son rêve se réalisait, et elle ferma les yeux pour ne plus voir que la tête extatique du pâle crucifié. Elle avait cessé de crier, et ses lèvres sous celles du gars s’ouvraient, ignorantes des caresses, mais se gonflant de baisers, quand, tout à coup, l’homme se leva. Des pas approchaient ; il prit peur et s’enfuit.

Anne restait tapie dans l’herbe. Les passants étaient loin déjà et le grand silence assoupi de la lande avait repris qu’elle était toujours à la même place, immobile et hébétée, éprouvant au souvenir de ce viol inachevé une honte dont les remords vagues se fondaient en regrets.

Sa vie devint dès lors tout autre. Le lendemain et les jours suivants, elle pensa moins à regarder ses images et ne parut plus au Mois de Marie. Ses désirs s’étaient faits précis ; elle songeait à se marier comme ses voisines, avec lesquelles elle avait joué, petite, et qu’elle voyait maintenant avec leur promis ou leur homme. Mais, comment se marier ? Les Ker-