Aller au contenu

Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
CHARLOT S’AMUSE

Il redescendait, égosillé, n’en pouvant plus, pleurant de rage. Les locataires, oubliant le mort, s’amusaient tout leur soûl, et, des quatre coins de la cité, les quolibets pleuvaient sur le concierge, avec une longue traînée de rires.

Charlot, assis dans un coin, écoutait, pâle et les dents serrées. Une indignation confuse le faisait trembler. Il aurait voulu être grand, être fort, pour assommer le pipelet qui insultait le corps de son papa et pour imposer silence à ces sans-cœur qui riaient ; à ces teinturiers, venus là comme au spectacle, heureux de voler un moment au patron, et qui se dandinaient, indifférents, les poings sur la hanche, montrant leurs bras nus teints en violet ou en vermillon, et remuant sur les pavés leurs gros sabots multicolores.

Cependant, le père Rosier, exaspéré, achevait de mettre en loques sa casquette, lorsque deux hommes entrèrent dans la cour. Il poussa à leur vue un grognement de joie, courut à eux, les salua servilement, et, sans les laisser parler, cachant mal son impatience sous une obséquieuse politesse, il les conduisit jusqu’à l’entrée de l’allée. Les lazzis s’étaient tus ; les spectateurs, reconnaissant le régisseur de la cité et l’architecte, écoutaient silencieusement