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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/86

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CHARLOT S’AMUSE

qu’on venait de créer à Passy. Elle devait y entrer le premier mai ; elle s’occupa immédiatement de se débarrasser de l’enfant.

Ce ne fut pas chose facile. L’école Saint-Barnabé, cette ruche immense que les frères ignorantins avaient récemment fondée hors de Paris, était à ce moment le foyer d’une épidémie de variole, dont l’intensité avait nécessité le licenciement des maîtres et des pensionnaires. Anne s’exaspérait, se voyant déjà contrainte de garder son fils, mais la bienveillante intervention du clergé de Saint-Laurent lui vint derechef en aide, et Charlot, contre l’usage, fut accepté comme interne par les frères de la rue des Récollets jusqu’à la réouverture de l’école même. Il serait seul à manger et à coucher dans l’établissement, mais cet internat devait être court, l’épidémie paraissant décroître.

Donc, un matin, la veuve habilla le petit, fit un paquet de ses nippes d’enfant et le conduisit à ses nouveaux maîtres.

Le gamin semblait indifférent, comme instinctivement persuadé que, pour lui, aucune existence ne serait plus misérable que celle qu’il menait quai de Jemmapes, chez sa maman. Sa petite figure blême avait une expression souffreteuse, mais résignée, comme si le crêpe de