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Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/86

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Poursuivant du regard le corbeau, le phalène,
Ou le mulet pesant attardé dans la plaine.

Mais surtout nul pinceau ne rendrait mon transport,
Quand, parmi les rameaux, quelque sylphide blanche
M’apparaît, m’éblouit ! semblant de branche en branche
Glisser comme un oiseau ; quand sa voix, doux accord,
Hautbois harmonieux qui lutine et qui joue,
Monte comme un parfum et caresse ma joue !

En extase, enivré, je n’ai plus rien d’humain.
Sur mon corps allégi mon âme se déborde,
Goutte à goutte en rosée ; et, semblable à la corde
D’un théorbe d’argent palpitant sous la main
D’un ange prosterné… sous mes pieds fuit la terre :
Je ne suis plus qu’un son ! un reflet ! un mystère !…

Peut-être vous riez tout bas de ce pouvoir
Si magique et puissant d’une voix sur mon âme ?
Le simple frôlement d’une robe de femme
Qui se hâte à la nuit, suffit pour m’émouvoir.
Une main à bijoux, une gorge où ruissellent
Des perles, des joyaux, me charment, m’ensorcellent !

Ah ! s’il était un cœur ignorant et naïf
Qui n’ait pas ressenti ces philtres, ces ivresses ?