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Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/229

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solation. Ce fut ainsi pourtant que s’exprima madame Milbert, émue sincèrement :

— Que voulez-vous que nous fassions, disait-elle, son père et moi, si vous nous l’enlevez ? N’est-elle pas toute la joie et tout l’intérêt de notre vie ? Peut-on, quand on est vieux, attacher du prix à quelque chose, si ce n’est par ses enfants ? À quoi nous servira notre fortune, si elle n’en partage pas les jouissances ? Il nous faudra fermer notre maison, dont elle était l’ornement. Nous renverrons nos amis ; car nous les aimions surtout parce qu’ils l’aimaient, parce qu’ils lui apportaient de la distraction. Nous n’aurons pas besoin de distractions, nous : ce sera assez que nos larmes et nos regrets.

Mais son éloignement ne sera pas la fin de mon malheur : je serai bientôt dans une solitude complète. Jamais mon pauvre mari ne supportera ce coup : il s’affaisse déjà tant ; sa fille seule le ranimait. Ah ! je prévois l’anéantissement où le jettera sa tristesse : vous allez le tuer aussi sûrement que si vous lui versiez du poison.

Encore si nous méritions notre sort, reprenait-elle ; mais vous nous connaissiez, avant