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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/10

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que j’y montais, je la vis passer dans une autre voiture, probablement avec son élève, car elle n’y était pas seule, et je remarquai que l’élève avait des moustaches : j’étais relevé de ma tutelle.

Je n’avais pas fait retenir de chambre à l’hôtel de Bruxelles, et comme l’approche de la fête de l’Empereur attire toujours beaucoup de monde à Paris, j’étais assez inquiet sur mon logement ; mais le hasard me favorisait, et je trouvai vacant, au second, un très-bon appartement.

J’avais quelques visites à faire dans le voisinage. À peine installé, me voici en course. Paris est le pays où l’on reste le moins en place ; il semble que ce besoin de locomotion tient à l’air qu’on y respire. C’est la maladie parisienne, personne n’y échappe, et quand un Parisien consent à se reposer,

Ce n’est qu’au jour qu’on l’enterre ;
Encor faut-il dans sa bière,
Sans épargner la matière,
Bien et duement le clouer :
Précautions nécessaires,
Car il pourrait vous jouer,
Pour aller à ses affaires
Ou simplement caqueter,
Le tour de ressusciter.

Je suis à pied, le temps est chaud et lourd. En traversant le marché des Jacobins, je me rappelle les jours, jours dont me sépare aujourd’hui un demi-siècle, où, logé en face, rue Saint-Honoré, chez mon grand-oncle M. Delahante, je traversais, leste et joyeux, ce même marché, ne croyant pas qu’on put vieillir. C’est qu’alors j’avais vingt ans et, devant moi, l’avenir, c’est-à-dire l’espérance et l’inconnu. Ils m’ont donné plus que je n’en attendais, plus même que je ne leur