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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/167

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l’air, quand elle les fronçait, d’une conspiratrice ou d’une magicienne.

Un moment après, entra un jeune homme. Dès que je l’aperçus, je me dis qu’il ne pouvait être que l’amant, le frère ou l’époux de cette femme. Tout était en harmonie dans leurs costumes et leurs figures. Ils se mirent à table en parlant une langue qui m’était inconnue et que j’étais disposé à prendre pour un argot, car elle ne ressemblait à rien. En ce moment paraît un nouveau personnage de très-bonne mine. Celui-ci était un Français, on ne pouvait s’y tromper. Il connaissait la dame et son compagnon, car il les salua en français et lui répondirent de même, mais avec un accent étranger très-prononcé.

Bientôt une discussion s’élève entre ce nouveau venu et les Anglais sur le prince russe Demidoff. Le Français prétendait qu’il était fils d’un esclave ; les Anglais soutenaient le contraire, et le mari de la dame au chapeau était de leur avis. Comme, dans ma jeunesse, j’avais eu occasion de voir le père du prince actuel et que je connaissais aussi le fils dont M. de **, mon parent, avait épousé une sœur, je pris la parole. Les Anglais riaient sous cape en me voyant si bien renseigné, et ce fut un triomphe pour eux, surtout lorsqu’un autre Français, qu’à sa tournure je reconnus pour un militaire, se joignit à moi pour soutenir l’ancienne origine des Demidoff. Cet officier avait connu M. de *** et M. R**, dont il faisait un grand éloge. Il me donna sa carte, je lui présentai la mienne, et la connaissance fut ainsi faite : c’était le colonel de Prebois.

Le dîner était excellent, la conversation des plus