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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/213

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cinq heures un quart : c’est une magnifique position. Cette route est délicieuse depuis Bâle, et spécialement depuis Herzogenbuchsee ; tout est frais et charmant : on ferait le voyage de Bienne seulement pour la voir.

Après avoir passé le village de Lubingen, nous arrivons à Soleure, capitale du canton de ce nom, placée au pied du Jura et traversée par l’Aar. Peuplée de cinq mille quatre cents âmes, elle peut se vanter d’être une des plus anciennes villes du monde, car elle fut, dit-on, bâtie par Abraham le patriarche, venu en Suisse on ne sait trop pourquoi ni par quel chemin. Ce qui paraît moins douteux, c’est qu’elle fut, depuis, occupée par les Romains et, sinon fondée, du moins rebâtie par eux. Comme toutes les villes de la Suisse, elle a ses trophées, reliques prises à la bataille de Morat, et quelques bribes de la défroque de Charles-le-Téméraire qui avait une garde-robe bien fournie et qu’il ne manquait sans doute pas d’abandonner dans la mêlée, probablement pour que chacun en eût sa part.

Ah ! si jamais je deviens un héros,
Je veux avoir aussi plus d’une nippe,
Afin qu’un jour l’avenir participe
Aux loquetons que je portais au dos.
J’aime la France alors qu’elle est dévote
Aux vieux habits témoins de maints hauts faits.
Du conquérant, ô grise redingote,
À son épée, oui, je te préférais !
Et tout épris de sa moindre guenille,
J’aurais donné le bouclier d’Achille,
Son casque d’or, son coursier le plus beau
Pour la moitié de son petit chapeau.

Mais les richesses de Soleure ne se bornent pas à la garde-robe de Charles-le-Téméraire, et l’on cite avec raison la belle collection d’armes anciennes qu’elle a