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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/222

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sans doute quelque noce ou quelque fait passé, peut-être une ancienne victoire, car chaque canton, chaque ville, chaque village a eu la sienne. Des défaites, on n’en parle pas. C’est ici un peuple de soldats : tout le monde y naît tel. Arrangez ceci avec la liberté ! Ce pays, durant bien des siècles, n’avait pas d’autre industrie que la guerre. Plus tard, il sut y ajouter celle de faire des gâteaux, des tourtes et des petits pâtés. Ainsi tout se compense : de ces industries, l’une faisait mourir, l’autre aidait à vivre.

L’hospitalité du bon commandant ne devait pas s’arrêter à un déjeûner. De retour à sa campagne, un excellent souper nous attendait, et nous fêtons une seconde fois le poisson du lac, le gibier de la montagne et l’excellent vin du coteau. Celui du crû n’était pas le pire. On sait, en Suisse, soigner la vigne ; chacun y a la sienne pour peu qu’il ait une petite aisance : elle est donc toujours celle du Seigneur.

Le souper se prolonge ; il est tard. Je prends congé de mes hôtes que je ne devais plus revoir : père et enfants, la mort devait tout frapper ; et de cette noble, belle et si heureuse famille, il ne reste plus que la vieille aïeule.