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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/262

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cités du monde et la première de la France après Paris. Peut-être un jour s’y décidera-t-on en commençant par la débarrasser de ses fortifications. Certes, Florence est une belle ville, grâce surtout à son fleuve, ses quais et ses palais, mais avec les deux fleuves et les doubles quais de Lyon on peut aisément faire surgir deux Florence.

C’est à Lyon que je vis un modèle qui, à ma connaissance, n’a encore figuré dans aucune exposition. On m’y servit, à mon dîner, une bouteille de mâcon dit fleuri. Elle était de bonne taille, et je ne croyais pas en consommer la moitié. La fatigue m’avait altéré, j’en bus avec de l’eau. Au dessert, voulant le goûter pur, j’essaie de verser, mais il ne coule rien. Je crois qu’un bouchon interrompait le passage du liquide, car la bouteille avait encore son poids. L’ayant examinée, je reconnus qu’elle était bien réellement vide, et je restai en extase devant ce chef-d’œuvre de l’industrie rapinière. Dressé vers le bouchon, le fond de la bouteille s’élevait, comme un clocher, dans l’intérieur. Sur les flancs, l’épaisseur du verre était d’un bon centimètre ; de façon que ce litre apparent, et qu’on payait comme tel, en contenait à peine la moitié. L’auteur de cette invention méritait bien une médaille de première classe.

L’indulgence de nos tribunaux pour ce genre de vol est vraiment inexplicable. Je demande d’abord pourquoi l’on tolère la fabrication de semblables bouteilles qu’on peut qualifier d’outils de voleur ? N’étant commandés et fabriqués à autre fin que de tromper le public, ils devraient être saisis et brisés chez tous les fabricants, marchands et débitants de liquide qui en sont trouvés